La marche de l’impératrice. Adulée par une frange du public français, celle qui est présentée depuis son éclosion comme la Björk française (sans doute hâtivement) nous sort son troisième opus, celui du bourgeonnement musical. Armée d’une solide formation musicale ( conservatoire + IRCAM) et couronnée récemment par un succès artistique, Emilie Simon revient donc avec Vegetal, un album qui emprunte autant à l’électronique qu’à l’organique. Délaissant l’hiver, Vegetal sort donc en ce printemps et la petite coccinelle y effectue son envol. Avec deux albums récompensés aux victoires de la musique, la belle prolifique surprend encore par la qualité de son œuvre nouvelle à l’assuétude effrayante.
Sève élaborée. Vegetal s’inscrit dans la continuité tout en marquant une évolution assez nette, Emilie, accompagnée de la basse de Simon Edwards, décidant d’intégrer à son univers des instruments aussi variés que le violoncelle, le violon, la flûte, le marimba (etc…) ou la guitare électrique le tout marié à des sonorités du quotidien. Le côté électronique est toujours présent, beaucoup mieux maîtrisé mais sans surcharge, dessinant un univers sombre aux créatures fantastiques. On pense naturellement à Alison Goldfrapp ou à Matmos dans l’utilisation des beats rythmiques et des riffs plombés à la basse. Arrangements variés et raffinés et sens de la mélodie sont également mis à l’œuvre sur cet album. Emilie utilise toute la palette des sons mis à sa disposition pour retranscrire son microcosme vert, piochant allégrement dans un registre à l’arborescence pop voire trip hop (« Alicia ») admettant dans ses détours une acception plus large lorgnant vers le rock (« Fleurs de Saison »), souvent électro (« Dame de Lotus », l’électro-pop « Annie » ou les rythmes technoïdes de « Rose Hybride de Thé »). Certains titres pêchent cependant par leurs redondances (l’entêtant « Never Fall In Love »), ou par leurs orchestrations poussives (« Swimming »). Aux couleurs de plante carnivore aux desseins inquiétants, de mousse timide et mélancolique ou d’éclosions joyeuses de jeunes pousses, les titres qui composent cette œuvre ne seraient être aussi achevés sans le soin apporté aux voix.
Miss à la voix de porcelaine, usant de sa sensibilité à fleur d’écorce, Emilie joue assez sur les tons et les ambiances pour nous transporter, nous auditeurs, au gré des sons et des vents tels de simples pollens et susciter en nous l’ivresse. Tantôt attendrissante tantôt apaisante, souvent innocente, elle sème son lot de sentiments en créant des atmosphères qui pénètrent aisément le sillon de nos âmes nous plongeant dans une intense hypnose au parfum de chlorophylle. Les textes, juste pendant de la musique, brillent par leur musicalité et font référence à la nature en évoquant des êtres mi-humains, mi-végétaux mais l’auditeur ne saurait être trompé et la fable florale renvoie assurément au cycle de la vie. Emilie passe du français à l’anglais avec une certaine aisance, usant de son timbre acidulé et sucré qui rappelle par moment la jeune Björk débutante.
Emilie Simon, fleur atypique, accouche donc d’un songe musical luxuriant et original, jardin botanique complexe et sophistiqué et paradoxalement accessible : pop tout simplement. Véritable voyage onirique où les plantes s’expriment dans toute leur splendeur avant de devenir « cendres », Vegetal par ses qualités photosynthétiques réveillera en vous des énergies insoupçonnées.
Deadkal 17/10/2006 avis: |